Blog.

La peur

Cover Image for La peur
Marc-Antoine Ngaba
Marc-Antoine Ngaba

Tu connais cet ami ? Cet ami fidèle qui nous veut en santé, un ami plein de bienveillance, prudent et qui nous laisse un grand vide.

Je le connais, je le cache en moi lorsque je me dis : ca va de toute les façons ce n'est pas fait pour toi. Elle est trop bien pour toi. Il faut en savoir davantage si tu veux esperer être pris.

La société nous présente des miriades de situations, souvent des opportunités, d'autres fois des gouffres mais toujours des expériences. Des belles, des moins belles, des moches il y'en a de toutes les couleurs. Pour connaître le goût d'un aliment il suffit de le goûter. Pour connaître la couleur d'un livre il suffit d'y preter attention. Pour ressentir l'effet d'une chose il suffit de l'essayer.

Toutes ces choses nous en avons bien conscience. Mais cette conscience a tendance à se faire toute petite lorsque le moment se présente face à nous.

Adulte, jeune adulte, adolescent nous sommes tous les mêmes lorsque le cœur bat la chamade, la gorge s'asseche, le verbe s'enfuit, le regard se vide. On a tous les mêmes reactions face à cette émotion, à cet ami qui nous garde sous aile, en nous rassurant : tout ira bien.

Je connais cette sensation, j'ai grandi avec elle. Que dis-je elle m'a porté sous son sein, m'a promis que si je ne franchissait pas la ligne je serais sauf, je vivrai longtemps, que les choses se feront d'elles mêmes. Elle m'a dit : Quand tu seras grand tu pourras le faire, tu seras courageux et tu te feras entendre. Elle m'a convaincu que j'avais juste à rester sage, me conformer aux regards invisibles aux descriptions de la majorité. Elle m'a promis qu'elle partirait quand j'aurais mon diplôme, qu'elle plirait bagage après mom 18 anniversaire, qu'elle me laisserait tranquille lorsque j'aurai ma barbe.

Des années sont passées, des nuits blanches, des journées qui se ressemblent. Aujourd'hui je n'ai plus 18 ans, ma barbe pousse aussi vite que l'herbe et j'ai les diplomes qu'elle m'a demandé. Et pourtant elle est toujours là, occupant de plus en plus de place de jours en jours. Elle est devenue cet ami toxique dont tous mes amis se mefient et que moi j'adule et je chérie.

Je n'ose pas lui dire de partir car j'ai peur qu'elle le prenne mal, j'ai peur de la contrarier, de la blesser, tout en sachant que c'est la chose à faire.

Elle, le sachant a décidé de me suivre partout. Je suis anxieux à l'idée d'aller en soirée, de sortir de chez moi, de commencer enfin ce n-ieme projet dans le 3 ème bloc note à la page 20, et je ne cesse de me dire que demain oui demain c'est sûr je le ferai.

Des années que ça dur, je me sens seul mais elle m'a garanti que ça irait, alors je l'ai cru et j'ai espoir, j'ai espoir que je pourrai faire ce que j'ai toujours rêver de faire. Sauter le pas, prendre le large, larguer les amares, voler vers cette destination qui me fait rêver. Alors je continue d'attendre.

Ce récit est le mien... et pourtant en le lisant tu as dû t'identifier. Mon intention n'était pas de t'offusquer mais j'y ai pensé alors je l'ai mis en ces lignes.

Les graines du sablier ne cesseront de s'écouler et si le sablier est caché permet moi de te demander ceci. J'aimerais que tu arrêtes de lire pendant quelques secondes que tu ailles devant un miroir et que tu te regardes dans la glace.

Tu es de retour ? Qu'est-ce que tu as ressenti ? Qu'est-ce que tu as vu ?

Si tu pleures, c'est aussi le cas pour moi. Mais je te tiens par la main pour la suite, alors reste encore un peu.

En venant dans ce monde, nous étions lumineux, plein de curiosité, d'ambitions et d'imagination. Rien n'était impossible, même quand un proche s'ecriait: Ah les enfants. Ça nous surprenait de voir qu'un adulte ne voit pas la possibilité, l'évidence de ce qu'on a pu imaginer.

Aujourd'hui nous les avons remplacés, nos parents. Nous disons à nos cadets aujourd'hui: c'est impossible, quand tu seras grand tu vas comprendre, la vie est compliquée tu verras.

Qu'est-il arrivé à cet enfant qui voulait juste voir les gens heureux, explorer le monde, et vivre des expériences de grand ? Qu'est-il arrivé à cet enfant qui voulait aller dans l'espace, toucher les étoiles et trainer avec ses potes ? Où est-il passé, cet enfant qui voulait juste une vie bien remplie ?

Je ne sais pas... c'est souvent la réponse que j'entends quand je pose la question à une personne. L'enthousiasme est partie, les rêves ont été remplacés par: tu sais cest pas facile. Et l'enfant plein d'imagination est gardé et maltraité, torturé dans une chambre scellée par cet ami qu'on ne veut voir s'en aller.

Il lui a recouvert la bouche, bander les yeux, l'a empeché de voir que les moments qu'il attendait sont arrivés, et lorsqu'il veut s'échapper, la punition qui s'en suit est sévère et plus dure que la précédente. À l'extérieur les manifestations sont diverses. Les sensations de rejet, d'impuissance, de déni après des paroles comme cest trop compliqué pour toi, tu n'y arriveras pas, on est pas dans un monde de bisounours.

Ceux qui semblent avoir compris, avoir grandi ont rejoint la masse et ont arrêté de voyager, de créer, de rêver. Ils sont devenus adeptes de la religion des impossibles. Ils recherchent des membres, toujours convaincants et agressifs, toujours plus engagés et soumis à la doctrine du mécontentement et du rejet de soi. Et lorsque deux ou trois se reunissent, ils ont l'impression d'être réconfortes, compris, à leur aise. L'ami toxique prend du terrain, gagne des Âmes et sait se faire des amis fidèles.

L'objectif, finir les études, gagner sa vie, trouver son âme sœur et avoir une famille épanouie s'est transformé en nouvelle année, on reprend les mêmes et on abandonne une fois de plus.

Si ceci résonne en toi, j'ai une bonne nouvelle... et une mauvaise nouvelle.

Je vais commencer par la bonne. Eh bien, la bonne c'est que tu tiens toujours à tes aspirations et malgré les tortures tu y vois toujours des possibilités, de l'espoir.

La mauvaise: si tu ne prends pas acte, le petit toi, enfermé et torturé dans cette chambre risque ne jamais voir la lumière du jour.

Si tu réussi entre deux trois avis négatifs à trouver une possibilité, c'est la preuve tangible que le virus ne s'est pas encore complètement enraciné en toi. Il s'est installé mais n'a pas touché les parties vitales, les seules sur lesquelles il a un effet fatal.

Je tiens à terminer de texte sur une note heureuse car, l'une des choses qui me touche le plus malgré mes regrets mes peurs et mes rêves engloutis, c'est de voir un humain, voir une âme quitter la terre avec des regrets.

Le combat contre soi-même, cette version de nous qui s'auto-mutile est loin d'être des plus simples mais c'est le seul que chacun doit gagner pour lui.

Alors dis-moi, tu rêves encore ?